Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
La vie c'est un peu comme un sandwich...
La vie c'est un peu comme un sandwich...
  • On a beau faire, on a beau dire, la vie est une suite de piles de bonheurs et de malheurs comme des tranches de pancetta ou de cornichons dans un sandwich : c'est plus ou moins heureux, doux, acide ou rebutant...
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Archives
11 décembre 2011

Book in progress

  Je ne me souviens plus exactement quand j'ai acheté ce livre de Joyce Carol Oates, Johnny Blues. Ce dont je suis sûr, après toutes ces années passées à acheter d'autres livres, d'autres auteurs, d'autres américains c'est que je l'ai acheté par hasard dans une petite librairie de livres d'occasion non loin de la place de la pucelle. Les propriétaires de l'échoppe ne savaient pas encore qu'ils en partiraient quelques années plus tard, se rendant compte que les livres ne rapportaient pas suffisamment pour assumer les deux énormes chihuahua - Heckel et Jeckel - qu'ils avaient achetés à un type de Cincinatti sur ebay.com  sans que le vendeur ne spécifie que Heckel était au moins aussi hargneux qu'un rottweiler et que Jeckel était épileptique. Le traitement des deux affections leur coûtait une fortune, en soin et en assurance, et ils durent vendre la librairie car il était hors de question de revendre ces chiens. Du moins, c'est ainsi qu'ils présentèrent la chose aux clients de passage.
   Le nouveau propriétaire, Edouard, s'étant ému des raisons qui avaient engendré la vente n'acheta pas d'animaux mais embaucha un stagiaire, Dominique qui résidait à quelques rues à peine, ce qui lui coûta bien moins cher et n'impliqua pas de relation sentimentale. S'il fallait s'en débarrasser, il le ferait sans état d'âme. Les stagiaires ne sont pas des chiens, on ne le dira jamais assez. Edouard, en bon commerçant, remplaça dans la vitrine les quelques chefs d'oeuvre de la littérature australopithèque et bulgare, au profit d'ouvrages dont la qualité équivalait au néant de la postérité probable. Ces derniers ouvrages narrant les déboires d'un architecte ou d'un médecin ou d'un avocat new-yorkais qui avait, à n'en pas douter, écrasé une famille de chats noirs, affolaient les badauds devant la vitrine et les affaires étaient reparties. Je crois que c'est dans ce contexte là que j'ai poussé la porte du magasin, m'emparant immédiatement des premières lettres de l'alphabet du rayon des livres de poche jusqu'à la dernière. En fait, je pratique toujours ainsi et ma propre bibliothèque est ainsi classée, ayant abandonné tour à tour les classements par hauteur, par couleur, par épaisseur, par éditeur, par collection, par date de parution, par numéro d'édition, par International Standard Book Number, par prénom, par lieu de naissance de l'auteur et par titre, car j'ai toujours été démuni face aux titres avec un article. Glamorama ou Johnny Blues sont aisés à classer mais L'histoire du siège de Lisbonne ou Le cul de Judas me posent problème. Faut-il mettre en avant "histoire", "Lisbonne", "cul" ou "Judas" ? Cependant, Bret Easton Ellis, Antonio Lobo Antunes et Joyce Carol Oates engendrent une difficulté non négligeable mais plus exceptionnelle.
   Le stagiaire, Dominique, me demanda si j'avais besoin de quelque chose et j'en profitais pour m'assurer que l'ordre alphabétique de l'alphabet dont je disposais, était bien le même que le leur car il semblait sensiblement différent ici. Je ne sais pas si ce stagiaire travaille encore dans cette librairie car il y a bien longtemps que je n'y vais plus ayant troqué les vingt minutes d'automobile et les vingt minutes d'embouteillage, ainsi que le prix exorbitant d'un parking dont le nom, qui évoquerait l'Italie du Quattrocento, est en réalité bien plus proche de celui d'une famille mafieuse qui a fait main basse sur notre liberté de nous garer en ville, pour quelques minutes de temps passé sur internet. J'y ai mes habitudes et ma vitrine me ressemble, du moins ce sont les algorithmes utilisés qui mettent en avant les livres susceptibles de m'intéresser qui me le dit. Je me sens bien plus observé et filé que lorsque je me promène en ville, du moins je le pense. Si des frères ou des cousins du propriétaire des parking de la grande ville lisent ce blogs, je risque d'être suivi maintenant.
   L'incroyable richesse de Joyce Carol Oates tient, en partie, à  la puissance de son imagination qui nous emmène, par cent petits chemins vicinaux, vers le climax d'un meurtre dont il est constamment question mais qu'on effleure pour mieux s'en éloigner à la page suivante comme un "murder in progress". Étonnamment grisant, pour l'instant.

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité